Né en 1930, Gianni Berengo Gardin vit à Milan. Il est considéré comme l’un des plus grands photographes italiens. Ses archives comptent plus de deux millions de clichés, presque exclusivement en noir et blanc, qui vont du reportage humaniste à la description de l’environnement, de l’enquête sociale (les reportages sur les instituts psychiatriques en Italie et sur les Rom) à la photo industrielle, du paysage à l’architecture (les collaborations décennales avec le Touring Club Italien et Renzo Piano). Ses photos ont été publiées dans les principaux journaux italiens et internationaux, mais il s’est dédié surtout à l’édition, réalisant 260 volumes de photographies. Il a réalisé plus de 360 expositions personnelles en Italie et à l’étranger. Ses travaux sont présents dans les collections de nombreux musées et fondations, parmi lesquels le Moma de New York, la bibliothèque nationale de France et la Maison Européenne de la photographie de Paris. Parmi les nombreuses récompenses qu’il a reçues, citons le Leica Oscard Barnack Award en 1995, le Lucie Award à sa carrière en 2008 ou le Leica Hall of Fame Award en 2017.

Zingari (Tsiganes)

La fête des Hederlezi est répandue depuis plusieurs siècles dans les Balkans et dans l'espace anatolien. Son appellation, qui connaît des déclinaisons légèrement différentes en fonction des lieux, naît de la fusion de deux figures : Khidr (ou Hidir, en turc) et Élie. Si le second est le prophète de la Bible, le premier désigne, selon la tradition musulmane, le personnage qui accompagne Moïse dans la sourate 18 du Coran. Figures de la mobilité comme de la renaissance, et tous deux immortels, Élie et Khidr se rencontreraient chaque année pendant la nuit du 5 au 6 mai, au sommet d'une montagne, près d'une source. Telle est la date de la fête de Herderlezi, que l'on commence à célébrer la veille du 6 mai. Cette correspond par ailleurs à la Saint-Georges du calendrier julien, ce qui dévoile une étroite association avec ce dernier saint, dans un jeu triangulaire de contiguïtés et de métamorphoses.

La célébration des Hederlezi mobilise un riche conglomérat de symboles et de significations. Elle implique un contact avec le monde naturel : eau, arbres, fleurs. Elle parle de renaissance et de vitalité. Elle évoque les cycles astronomiques et agricoles. La musique y est très présente et les Roms y jouent souvent un rôle de premier plan. Des Tsiganes d'origine slave ont exporté cette fête en Europe occidentale, au fur et à mesure de leurs mobilités. Célébré conjointement par les musulmans et les chrétiens orthodoxes (qui l'appellent Dzurdzedan, « fête de saint-Georges », Hederlezi prend un relief particulier à Palerme. Y participent non seulement les familles établies en Sicile, mais aussi, mais aussi d'autres venant de loin pour l'occasion (de plusieurs régions italiennes, mais également de France, de Belgique et d'Allemagne). La fête s'étale sur trois jours, et une partie importante des célébrations se déroule dans le sanctuaire catholique de Sainte-Rosalie (la patronne de Palerme), qui domine la ville du haut du mont Pellegrino, et dans les forêts qui l'entourent. Le 6 mai, les familles roms font des allers et retours entre les campements et le sanctuaire, pour y prélever de l'eau et des branches d'arbre. L'eau sert pour le bain rituel des enfants, les branches pour décorer les habitations. Le jour suivant, les familles campent aux alentours du sanctuaire et pique-niquent dans une ambiance festive (musique, danses). Pendant la journée, elles effectuent des visites dévotionnelles au sanctuaire, en se recueillant devant l'image de la sainte.

Les photographies de Gianni Berengo Gardin saisissent précisément avec force quelques phases de ce pèlerinage à Sainte-Rosalie. On peut y apercevoir un groupe de femmes roms à l'intérieur de l'église et une famille musulmane en prière devant la statue de la sainte. Ces images sont issues d'une recherche effectuée dans les années 1990 par le grand photographe italien, en collaboration avec l'anthropologue Nico Staiti, de l'université de Bologne.

Dionigi Albera.